Entre légalité et légitimité

Ce qui est légal peut-il rester légitime ?

La question semble étrange pour certains, d’autant que les deux mots sont considérés synonymes.

Le terme de légalité vient du latin médiéval legalitas issu de légal du latin legalis signifiant caractère de ce qui est relatif ou conforme aux lois ou ensemble des actions conformes à la loi, ne la transgressant pas. Soulignons que jusqu’au XVIIIème siècle légalité avait pour sens loyauté.

Légitimité (tiré du latin legitimus) peut se décliner en trois sens :

  • Caractère de ce qui est fondé en droit.
  • Qualité de ce qui est équitable, fondé en justice.
  • Qualité d’un pouvoir d’être conforme aux croyances des gouvernés quant à ses origines et à ses formes.

Bien que venant de la même racine leg ou loi, la légitimité recouvre également l’équité, le bon droit, le bien fondé, en plus de la légalité.

De revendications légitimes par exemple le droit d’un peuple à disposer de lui-même peut-il se heurter à la légalité internationale de reconnaissance des frontières ?

Comparons le cas du Kossovo et de l’Artsakh (Karabagh). Le premier était rattaché à la Serbie, le second l’est à l’Azerbaïdjan. Le premier est majoritairement composé d’Albanais, le second d’Arméniens. Les Balkans ont été comme l’Arménie soumis au joug de l’Empire ottoman, les premiers ont subi l’islamisation, les seconds la soumission à la Dhimmitude ; les uns et les autres les massacres. En 1999, l’Opération Force Alliée menée par l’OTAN et les États-Unis a plongé le fer dans le cœur de l’Europe en bombardant la Serbie, permettant ainsi au Kossovo de déclarer son indépendance. En 2020, l’Azerbaïdjan a voulu laver l’affront de la défaite de 1994 face aux Arméniens, avec l’aide massive de la Turquie et l’appui de djihadistes syriens. Signant une victoire sanglante, Aliev a réussi à humilier son voisin, tout en s’attirant l’indifférence d’un monde sous Covid. En 2023, il poursuit son œuvre génocidaire sur la petite enclave sans être inquiété.

Un pouvoir légal, c’est-à-dire issu des urnes en respect du droit constitutionnel peut-il rester légitime, quand la population qu’il gouverne conteste sa façon de diriger le pays ?

Les lois ne font plus les hommes mais quelques hommes font la loi

Que dire de la situation en France face à la réforme des retraites. La passage en force par le 49-3 et la complicité de députés de la droite ne risque-t-il pas de plonger le pays dans la guerre civile ? La population ne tient plus. On entend que deux ans de travail en plus, ce n’est rien. Rien pour qui ? Tout dépend du point de vue où l’on se place. Si le travail est vécu comme une aliénation, un moyen de survie, deux années représentent une charge supplémentaire. Ceux qui font les lois connaissent-ils ce que signifie le mot travail ? Ceux qui nous gouvernent savent-ils ce qu’est se lever tôt, prendre des transports en commun ou affronter des embouteillages pour gagner de quoi vivre décemment ?

Je crains le pire car comme le chantait Daniel Balavoine :

Que reste-t-il des idéaux sous la mitraille
Quand leurs prêcheurs sont à l’abri de la bataille
La vie des morts n’est plus sauvée par des médailles