Ou 1984

J’en ai assez de ces mensonges. On nous parlait d’une épidémie. Mais le virus était plutôt dans les cerveaux. Le peuple n’avait plus de raison. Il se livrait à une folie destructrice. Ou il se fichait carrément des alertes et des risques. Le système risquait l’implosion ; la finance surtout. Il y avait ces voyous en col blancs, ces milliardaires hypocrites se drapant dans les atours de la démocratie. Des individus prêts à jouer la vie des nations sur un coup de bourse. Il fallait bien que quelqu’un les arrête ; Si ce n’était pas quelqu’un alors quelque chose, un virus. Nous en avions assez de ces donneurs de leçons, de ces révolutionnaires de salon, de ces pères la morale.

Il fallait un vent de révolte, un coup de balai pour que les peuples puissent enfin respirer, contempler la couleur du ciel, boire l’eau des rivières sans s’empoisonner. Il fallait un vent de révolte pour enfin prendre conscience de soi, décrocher son regard des écrans hypnotiques pour voir la vie en face.

La vie en face, celle de son voisin qu’on ignore, celle du mendiant qui n’a plus rien à perdre que sa vie ou sa santé. Là, nous étions tous à la même enseigne. Le virus n’épargnerait personne. Était-il si létal que ça ? Les informations étaient contradictoires. Nous entendions tout et son contraire. La contagion gagnait les esprits. Les gens devenaient fous. La peur rend fou ; elle pousse à l’irrationalité. On ne croit plus en rien ou on ne sait plus qui ou quoi croire. La confusion doit être suffisamment bien entretenue afin de perturber la raison. Moins les gens réfléchissent, moins ils raisonnent, plus ils perdent tout sens critique.

Il faut maintenir le sentiment de peur. La peur permet de dominer, de soumettre ; c’est le sous-maître. Grâce à la peur, celui qui s’en sert peut obtenir ce qu’il veut, la docilité. Les gens avaient peur. Ils se ruaient dans les commerces pour faire des provisions au cas où… Au cas où quoi. On parlait d’une chose ou d’une autre ; tout semblait si confus, si contradictoire. D’un côté rassurant, le lendemain on agitait la menace d’un couvre-feu, la fermeture des écoles et des lieux publics, tout en laissant ouvert les commerces de première nécessité. On ne reportait pas les élections. Le pouvoir a besoin de la légitimité ; il se moque de la santé de son peuple. D’un côté rassurant, de l’autre côté menaçant. Et les gens dans tout ça ? Ceux qui pensent que le bonheur est avant tout matériel, quitte à s’entretuer pour un paquet de chips en promotion ou le dernier gadget technologique. L’humanité est-elle tombée si bas ? Depuis quand le bonheur se décline-t-il pas l’accumulation de richesses ? Est-ce l’image que nous renvoie cette société ? Consommez pour être heureux. Prenez du plaisir avec les loisirs. Laissez-vous hypnotiser par la télévision. Est-ce ça le message ?

Je suis inquiet. Non pour un virus mais pour les dommages collatéraux. Il serait temps que ce virus réveille nos consciences pour bâtir un nouveau monde.