Outil de soumission

Machiavélique, l’utilisation de la peur a toujours été d’une redoutable efficacité. Dans le règne animal, l’homme ne dispose d’aucunes défenses ni de protection. Créature à la peau fragile, il se servira de sa logique et de son intelligence afin d’échapper à ses prédateurs, devenant par la force des armes, le plus grand des prédateurs.

Peur de l’inconnu

Une des armes contre ses semblables est la peur qu’il peut susciter en eux. La peur consiste à utiliser une menace avérée ou imaginaire contre laquelle on ne peut rien.

Le 30 octobre 1938, Orson Welles provoquait la panique avec son canular radiophonique diffusé dans la soirée sur CBS, s’inspirant de la guerre des mondes.

La peur avait envahi les auditeurs plus que les extraterrestres. L’histoire ne dit pas s’il y eût des morts. On rapporta une simple hystérie collective.

La peur terrorise. Elle divise également. Il suffit de quelques mots comme gestes-barrière, distanciation sociale ou réglementaire, écran de protection. Barrières, distanciation, écran sont des concepts qui séparent plus qu’ils ne rapprochent. Nous souffrions déjà du cloisonnement social confinant chacun dans ses outils numériques, tablettes ou smartphones. Enfermons-nous encore plus intellectuellement ! Dans une société où la peur de la contamination savamment entretenue par les médias sera fortement ancrée en chacun, les réactions seront différentes selon le tempérament des uns et des autres.

Lorsqu’il sera question d’une reprise de vie économique sous contrôle, certains s’y soumettront de gré ou de force, d’autres refuseront de s’exposer au moindre risque. Les premiers seront tentés de juger les seconds de paresseux, de tire-au-flanc, voire de lâches dans des circonstances particulières. Peut-on reprocher à ces derniers d’avoir offert un terreau propice au germe de la peur ?

En France, une étude a révélé que la banlieue était venue au secours de la métropole. Pour qui a voyagé tôt le matin dans les transports franciliens, une telle étude n’est que la confirmation de son observation. Alors que beaucoup se réveillent, d’autres sont déjà sur leur chantier pour préparer ou installer les bureaux. Ce sont les invisibles qui officient après les heures de fermeture pour laver et nettoyer, ou avant l’arrivée des salariés pour tout mettre en place. Ce sont ces petites mains que d’autres mains applaudissaient sans savoir si elles seraient entendues.

Quand vous retrouverez votre routine, si jamais vous la retrouvez en l’état, posez vous les bonnes questions. Rien ne pourra être comme avant. La femme de ménage que vous n’aviez jamais gratifié d’un bonjour désinfectait vos locaux pendant que vous étiez confinés. L’éboueur venait collecter vos déchets, alors que vous vous plaigniez d’être à l’étroit dans votre appartement. L’infirmière, dont vous critiquiez la grève aux urgences, tentait de sauver un inconnu, quand vous étiez en visioconférence, furieux contre le chahut de vos enfants.

Alors ne jugez pas celui qui a encore peur, parce que tout a été entrepris pour que cette peur lui reste dans les tripes. Prenons la mesure de notre insignifiance et cultivons notre grandeur. Car à vouloir trop jouer les bravaches, vous ne devez pas oublier que sans le sacrifice des petits vous n’êtes rien, comme nous tous d’ailleurs.

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