Quand il est question de RTT
Nous devons toujours apprendre de nos erreurs, car ce qui est pris n’est plus à prendre et, à trop prendre, on dilapide. Or, à force de dilapider, les caisses se vident et l’on s’endette.
Qu’avons-nous appris de ce confinement ?
À constater les obstructions des artères des villes, grandes ou moyennes, ou les queues pour accéder aux déchetteries (même devant une célèbre enseigne de capsules de café – What else ?), on pourrait douter que la leçon ait été entendue.
Était-elle si bien la vie d’avant qu’il semble que rien n’ait été compris ?
Nous ne rattraperons jamais le temps perdu, enfin pour la plupart d’entre nous qui, obligés administrativement de tirer leur rideau, se sont retrouvés sans activité professionnelle pendant deux mois. S’ils comptaient sur les prêts garantis par l’État, les enveloppes sont actuellement vides pour le Rebond. Règle de l’autobus oblige, les premiers arrivés sont les premiers servis. Pour les autres, débrouillez-vous ou crevez ! Les entreprises continuant leur activité malgré la perte de plus de 50% de leur capital social en étaient toutefois exclues, alors que cela ne signifie pas qu’elles soient moribondes.
Dans une missive adressée au ministre du Travail, Muriel Pénicaud, que 100 députés ont cosignée, Christophe Blanchet (député du Calvados) a proposé : « que l’on puisse permettre aux salariés qui le désirent et qui le peuvent, dans le public comme dans le privé, de faire don d’une partie de leurs congés payés, au bénéfice de ceux qui luttent directement contre le coronavirus. »
L’information semblerait bien accueillie aux dires de la presse et des médias. Mais elle soulève de nombreuses questions.
Ceux qui donnent ne sont pas forcément les plus nantis. La crise du Coronavirus a contraint de nombreux salariés français soit d’arrêter de travailler, soit de s’adapter à la nouvelle organisation de leur entreprise, le tout dans un climat volontairement anxiogène.
Si la mise en quarantaine de la France a été rendue nécessaire, elle ne s’expliquait que par la faiblesse de son système de santé, incapable d’endiguer un excès d’hospitalisations plus que pour éviter une propagation de la contamination.
Bien que le signal d’alarme ait été déclenché par les professionnels de la santé comme le Dr Pelloux, la France n’avait pas les moyens suffisants pour affronter une pandémie sans sacrifier son économie.
La suppression de 20.000 lits en réanimation, l’insuffisance de respirateurs artificiels, le manque de masques et de blouses à cause de l’incurie de l’État, quel que soit le mandat présidentiel, rendaient inévitable d’empêcher le naufrage annoncé.
Depuis plusieurs années, les personnels soignants, notamment aux urgences, dénoncent leurs conditions de travail, réclament des embauches supplémentaires et une revalorisation de leurs revenus. Les salaires des infirmiers français figurent parmi les plus bas des pays de l’OCDE. Leur rémunération est inférieure de 5 % au salaire moyen en France.
Comment peut-on être attractif, si l’on ne donne pas de moyens à nos hôpitaux ?
Dans le nord de la France, les infirmiers préfèrent travailler en Belgique où les rémunérations sont plus intéressantes (11% au-dessus des salaires moyens des pays de l’OCDE, le salaire moyen belge étant en outre supérieur au français). Pour se consoler, la France se classe devant la Suisse et la Lituanie, mais en Suisse le salaire moyen est 44% plus élevé qu’en France.
Le contexte étant établi, l’État doit d’ores et déjà des milliers d’heures de RTT au personnel des hôpitaux publics. Alors, si cette initiative de don de RTT semble séduisante et empathique, ne cache-t-elle pas une faillite de nos institutions ? Pourquoi nos députés, sénateurs et ministres n’offriraient pas une part de leurs émoluments aux personnels soignants ?
Certains avancent également l’idée de faire défiler ces mêmes personnels le 14 juillet 2020 sur les Champs-Élysées ou de leur attribuer une médaille. Ce sont des gestes symboliques, mais répondent-ils vraiment aux revendications des intéressés ?
Salaire moyen dans la zone OCDE
Salaire des infirmiers dans la zone OCDE
À propos de l’auteur