Quand les mots font mal

Ça suffit !

Celui qui ne fait rien ne se trompe qu’une seule fois. Lorsque nous vient le désir d’agir, nous pouvons commettre des erreurs. C’est par l’erreur que nous parvenons à anticiper pour avancer. Cumuler les échecs ne fera jamais de vous un « looser », un raté, si vous arrivez à démêler l’écheveau des problèmes afin de découvrir la faille.

Aucune invention humaine n’a fonctionné dès le premier test. Il y eut des casses, des accidents voire des victimes du progrès, jusqu’à ce que l’on identifie la source de la panne. Il en va de même dans nos vies. Nous tentons une expérience ; nous acceptons un nouveau travail ; nous rencontrons une personne séduisante.

Entrepreneur innovant, employé avec un contrat inespéré ou jeune marié, nous nous rendons compte que cette vie ne nous convient pas. Nous renonçons à relever le défi de l’entrepreneuriat, nous nous enfermons dans une routine ou nous ne ressentons plus d’affinités avec notre conjoint.

N’en est il pas de même de notre langage ? Les mots deviennent magiques ou diaboliques, c’est selon.

Une parole libère. En religion, c’est la confession ; en psychologie, de la psychanalyse. Cette parole soulage la conscience. Et quand la conscience devient légère, l’homme se sent plus heureux, la vie lui semble plus douce.

À l’inverse, les mots peuvent tuer. Ce sont ses paroles assassines qui ensemencent la colère et la haine dans le cœur de quelqu’un. Ces mots-là génèrent les disputes, les dissensions, les conflits voire les guerres. Avec un mot plus haut qu’un autre et nous assistons à l’escalade verbale pendant laquelle on ne s’entend plus dans tous les sens du terme.

Entre ces deux extrêmes, nous pouvons croiser des mots (sans grille) qui séparent comme ces itératifs « gestes-barrière » ou « distanciation sociale ». Alors qu’il serait préférable de ressouder les liens entre les personnes, de créer plus de solidarité et de fraternité, nous avons composé des expressions de rejet.

Nos sociétés sont, il me semble, déjà bien divisées pour ne pas tracer d’autres frontières. Pourquoi les « gestes-barrières » ne seraient pas des « gestes de sécurité » ; la « distanciation sociale », une « distanciation physique » ? On parlera de saupoudrage verbal. Mais nos mots guident nos attitudes et inversement.

Au pied de la lettre, certains tombent le masque au propre comme au figuré, polluant les rues et les trottoirs, au grand dam des éboueurs rechignant très logiquement à collecter ces déchets alors qu’une poubelle publique serait un meilleur réceptacle. Nous avons tellement été assaillis de mots ni bons, ni justes, ni utiles durant ce confinement que quelques-uns en ont perdu le sens des réalités et exacerbé des comportements individuels asociaux, une fois leurs entraves desserrées.

La leçon ne serait pas comprise. Sur une autre échelle, selon des sources dites indépendantes, la pollution en Chine serait repartie à la hausse, alors que l’économie ne tournerait qu’au ralenti. Information avérée ou non, si tel est le cas, nous pourrions sérieusement douter de l’intelligence collective humaine ou, du moins, de sa capacité de discernement des drames qu’elle traverse.