Pour mieux la tirer du jeu

La machine à coudre de mon enfance

Lorsque j’étais enfant, dans l’atelier de tailleur de mon grand-père Raphaël, celui-ci me confiait parfois une tâche : la récupération des épingles. Armé d’un gros aimant, je passais sur les rainures des lattes de plancher afin de les recueillir.

Avant de terminer le bâti d’un costume que mon grand-père coupait, l’épingle lui permettait d’en assembler les différentes parties afin d’étudier le rendu, une fois installé sur le mannequin, puis lors de l’essayage avec le client. Il pouvait ainsi repérer les défauts pour les rectifier à l’aide d’épingles, avant de réaliser les finitions.

Ainsi, ce petit bout de métal jouait un rôle indispensable dans son métier. Sans l’épingle comment aurait-il pu travailler ?

Le Lepidoptérophile est également un grand consommateur d’épingles dans l’exercice de sa passion.

Ah ! Qu’est qu’un Lepidoptérophile ? C’est la dénomination du collectionneur ou de l’amateur de papillons, plus généralement appelé entomologiste lorsqu’il s’agit du scientifique. Épingler lui permet de fixer l’insecte sur un support afin de le cataloguer.

D’ailleurs, concernant une personne, le terme d’épingler ne signifie-t-il pas l’arrêter ou le faire prisonnier, dans le langage populaire. Untel s’est fait épingler par la police à son domicile, un peu comme un papillon par le collectionneur. Il y a toutes sortes de papillons. Certains ornent même le pare-brise des véhicules. Mais ceux-là n’ont rien de volant. Enfin, tout dépend du sens de l’adjectif volant puisqu’il s’agit de la contravention infligée à un automobiliste, pouvant s’estimer dépouillé lorsque l’infraction semble injustifiée.

L’épingle s’invite souvent dans nos expressions. Ainsi, ne soupçonnons-nous pas qu’une affaire est montée en épingle afin de nous détourner de l’essentiel ? C’est une technique classique de diversion utilisée dans tous les milieux où le pouvoir est en jeu. L’origine de cette phrase nous vient de la bijouterie. L’épingle en question est celle qui fixait le chapeau. Agrémentée d’un bijou, elle devenait un objet précieux. Comme l’épingle s’affichait avec ostentation, cela donnera au figuré : faire valoir quelque-chose, le mettre en évidence ou lui donner une importance exagérée.

« Quand le Sage montre la Lune, l’idiot regarde le doigt. » En donnant de l’importance à un détail prêtant à polémique, il devient possible de noyauter un débat, une discussion ou une négociation. Qui n’a jamais réagi à la simple lecture ou à l’écoute d’une phrase extraite de son contexte en se laissant piéger par la dénaturation des propos ? Le journalisme use et abuse de cet artifice pour attirer l’attention du lecteur ou de l’auditeur. Dans la plupart des cas, l’information ne fait pas long feu. Mais, si la braise est bien entretenue, la répétition enflera la rumeur. Et l’on sait que faire taire une rumeur relève de l’impossible.

À qui cela profitera-t-il ? Celui qui tirera son épingle du jeu est-il un bénéficiaire de l’opération ? Tirer son épingle du jeu s’apparente à se retirer adroitement et à temps d’une affaire délicate, d’une partie périlleuse. Inspirée d’un jeu d’enfants du 15ème siècle, cette locution se traduit par : réussir à sauver sa cause ou ses propres intérêts.

Dans le contexte sanitaire, économique et social actuels où quelques coups d’épingle sont inévitables, l’histoire n’est plus de savoir Qui tirera son épingle du jeu, car nous devons désormais dépasser l’individualisme et œuvrer collectivement, mais Comment.

Le Pourquoi nous est malheureusement connu. Ce sont les défis décisifs pour la survie de l’Humanité et avant toute chose celle de notre Planète. Ne devrons-nous pas envisager de prendre un virage en épingle à cheveux pour les aborder ?