À l’obéissance aveugle

Dans les années 60 (1960 et 1963), l’équipe du professeur Stanley Milgram de l’Université de Yale (New Haven – Connecticut) avait recruté par annonces dans un journal local des sujets pour une expérience sur l’apprentissage. Afin d’être attractive, cette participation durant 1 heure été rémunérée 4 dollars, auxquels s’ajoutaient 50 cents pour les frais de déplacement. Le salaire mensuel moyen étant à cette époque de 100 dollars, la somme était conséquente.

L’expérience était présentée au sujet comme une étude scientifique de l’efficacité de la punition sur la mémorisation.

Elle impliquait trois personnes :

  • Un élève (learner) : Il doit mémoriser des listes de mots et reçoit en cas d’erreur une décharge électrique.
  • Un enseignant (teacher) : Sujet recruté par l’annonce, il doit dicter les mots à l’élève et vérifie les réponses. Lorsque l’élève commet une erreur, il lui envoie une décharge électrique destinée à le faire souffrir.
  • Un expérimentateur (experimenter) : Représentant l’autorité officielle, il est vêtu d’une blouse grise du technicien et agit avec assurance afin de donner du poids à son statut.

Le véritable sujet de l’expérience est l’enseignant. L’élève et l’expérimentateur sont des comédiens.

L’élève simule la souffrance selon l’intensité de la décharge que l’enseignant lui administre.

Le tirage au sort attribue le rôle d’enseignant aux deux protagonistes. Il est truqué, les deux bulletins désignant « enseignant » ; le cobaye annonçant qu’il est « enseignant », l’autre accepte le statut d’élève alors que tout est joué à l’avance. On l’installe sur un siège connecté à une console et on l’équipe d’électrodes transmettant les décharges.

Un premier choc électrique de 45 Volts sert à convaincre l’enseignant de la crédibilité de l’installation mise en place. À ce stade, on peut imaginer que toute personne dotée d’un sens commun refuserait de se soumettre à ce genre d’expérience, les décharges augmentant se 15 volts en 15 volts.

Si au cours de l’expérience, l’enseignant exprime un doute, l’expérimentateur l’engage à poursuivre à l’aide d’arguments persuasifs :

  • « Veuillez continuer s’il vous plaît. »
  • « L’expérience exige que vous continuiez. »
  • « Il est absolument indispensable que vous continuiez. »
  • « Vous n’avez pas le choix, vous devez continuer. »

Le résultat de cette expérience est particulièrement inquiétant.

65% des enseignants-cobayes ont administré 450 Volts à leur élève, soit un choc pratiquement létal.

On peut transposer cette situation dans la réalité de notre histoire, qu’il s’agisse de la solution finale ou de la soumission des peuples à une autorité quelle qu’elle soit en utilisant la peur.

Je vous laisse y réfléchir en vous laissant méditer la citation que Stanley Milgram a fait sienne dans son livre « Soumission à l’autorité : un point de vue expérimental » :

« … la civilisation est caractérisée, avant tout, par la volonté de ne pas faire souffrir gratuitement nos semblables. Selon les termes de cette définition, ceux d’entre nous qui se soumettent aveuglément aux exigences de l’autorité ne peuvent prétendre au statut d’hommes civilisés. »

Harold Joseph Laski (Théoricien politique anglais, président du Parti travailliste de 1945 à 1946)