Dans le Caucase

Quand votre vie ne tient plus à rien, à quoi pouvez-vous vous raccrocher ? L’espoir, Dieu, si vous êtes croyant, la fatalité, si vous êtes déterministe.

Ici, un virus invisible, transformé en fléau comme la peste du 14ème siècle, a conduit nos élites à nous masquer puis à nous enfermer, alors que des assassins patentés égorgent dans nos églises, ou que des hordes de haineux défilent dans nos rues pour débusquer leurs victimes expiatoires.

Ici, on interdit la diffusion de la culture, en fermant les librairies. Puis, pour contenter ces dernières, on défend aux grandes surfaces de mettre leurs rayons culturels à la portée des gens. Hier, on brûlait en place publique des livres jugés dangereux pour le pouvoir. Aujourd’hui, on empêche l’esprit de s’évader, en insistant sur la pérennité de l’information propagandiste et anxiogène que déversent les médias.

Ici, on fait mourir à petit feu, les commerçants des centres-villes, ceux qui ne vendent que des biens non-essentiels. Qu’est-ce qui est essentiel vraiment ? S’entasser dans des trains pour aller au travail, s’empiffrer de malbouffe, s’enivrer dans les vapeurs de l’alcool afin d’oublier, enfin de se perdre, ou goudronner ses poumons à la nicotine. Tout cela permet de rentrer les taxes pour que nos élites puissent survivre.

Ici, on assiste impuissant aux prochaines faillites des PME-PMI qui n’en finissent pas de subir des confinements à répétition ou des couvre-feux d’un autre temps. Elles viendront gonfler les statistiques du chômage, car ce ne sont pas les aides ridicules ou les crédits forcément remboursables qui sauveront l’emploi. Pendant ce temps, les géants de la distribution en ligne, les entreprises siégeant dans des paradis fiscaux, engrangeront des bénéfices sans jamais payer d’impôts.

Tout le monde n’est pourtant pas égal face au malheur. Là-bas, isolés dans ses montagnes, vivant sur les terres de ses ancêtres, un peuple subit depuis des semaines des bombardements incessants, ne semant que ruines et morts, dans l’indifférence du Monde Cofidé. Ses fils tombent, victimes de la barbarie sanguinaire dont s’inspirent nos haineux et nos égorgeurs dans nos églises ou devant nos écoles. Le Monde se tait. Les drones assassinent chaque jour. Mais ce peuple tient. Jusqu’à quand ?

Un de ses fils, un orphelin d’un génocide oublié, est venu en France, il y a bien longtemps. C’était un migrant, un apatride qui chantait dans ses poèmes l’amour de la France. Quand les hordes de barbares ont occupé son nouveau pays, il a pris les armes pour résister. Il est mort, en février 1944, fusillé au Mont Valérien. Son sacrifice ne valait rien ? Il est mort pour votre Liberté, comme d’autres. Il est mort pour cela, sans haine contre le peuple allemand qui avait nourri en son sein la bête immonde.

Qu’avez-vous fait de cette liberté ? Comment osez-vous encore dénoncer vos voisins ? Comment osez-vous soutenir l’insoutenable, la privation de vos libertés, que l’on vous arrache par lambeaux ? Comment osez-vous insulter ceux qui ne pensent pas comme vous ? Comment osez-vous fermer les yeux, quand un peuple plusieurs fois millénaire risque de disparaître ? Comment osez-vous vous voiler la face quand le danger menace vos propres sociétés, vos familles et vos enfants ?

Il est tombé avec d’autres sous les balles des nazis, son nom sera collé sur une Affiche Rouge. Il s’appelait Missak Manouchian.