Devra être exécuté. »

Guy BEART

Hommage à Hrant Dink, assassiné le 19 janvier 2007

Faut-il qu’un homme doive être assassiné pour avoir défendu une cause noble et juste ? Les mots et les idées doivent-elles être combattues par les armes ou par les mots et les idées ?

Trois coups de feu… Il aura fallu trois coups de feu pour réduire au silence un apôtre de la liberté.

Le 19 janvier 2007, le nom de Hrant Dink, journaliste arménien et citoyen turc est venu s’ajouter à la longue liste des martyrs morts pour leurs opinions. Né à Malatia, il était journaliste et écrivain, et également éditeur du journal bilingue en turc et arménien, Agos. Il a été lâchement exécuté de trois balles tirées à bout portant alors qu’il sortait de son bureau. On pouvait être d’accord ou non avec ses opinions, mais rien ne peut justifier un meurtre, et qui plus est un meurtre aussi ignoble.

Hrant, nous ne nous connaissions pas directement. Tu aspirais à un monde de fraternité où Arméniens et Turcs enfin réconciliés pourraient parler librement du passé, du présent et du lendemain sans crainte ni appréhension. Tu demandais juste que la Turquie reconnaisse enfin le génocide de 1915, que les minorités soient respectées, que la haine de l’autre ne soit plus inculquée et que l’amour du pays remplace le nationalisme idéologique. Tu aimais ton pays, tant la Turquie où tu étais né que l’Arménie où tu avais tes racines profondes. Tu te disais citoyen de la Turquie, parce que même si l’on t’avait enseigné en classe que « tu étais fier d’être turc », tu ne t’étais jamais senti vraiment turc mais arménien. Était-ce pour cela que tu avais été condamné pour insulte à l’identité turque ? Elif Shafak t’avait adressé alors une lettre ouverte dans laquelle elle déclarait comprendre le drame que tu vivais, étranger dans ton propre pays.

Tu parlais avec amour et conviction. Tu pensais que la conscience et la morale seraient plus fortes que les lois. Tu n’imaginais sans doute pas que tu écrirais une page de l’histoire de ton peuple avec ton sang.

Aujourd’hui, je veux écrire avec mes larmes tout le respect que nous te devons en tant qu’hommes épris de justice et de vérité qui militons pour le rapprochement des peuples.

Pour que ton sacrifice ne soit pas vain, levons nous et poursuivons avec la même ardeur, la même passion et la même foi le combat que tu avais entamé.

On dit que la mort rend plus grand. Je souhaite que la tienne ouvre les yeux de l’Humanité sur la terrible tragédie qu’endure depuis près d’un siècle ton peuple, et par-delà sur tous les peuples martyrisés de l’histoire.

Paix à ton âme !

Carl E. Arkantz
20/01/2007