J’exècre toutes les guerres quelles qu’elles soient, ceux qui les provoquent en tirent toujours les bénéfices, les perdants sont malheureusement les peuples.

La guerre entre la Russie et l’Ukraine est un drame humain qui suscite des réactions justifiées sous le coup de la compassion, de la peur ou de la haine. La compassion nous commande une empathie voire une sympathie à l’égard de l’agressé ; la peur nous fait craindre une extension du conflit avec des contrecoups sur notre propre vie et notre sécurité ; la haine nous incite à la détestation de l’agresseur, de ce qu’il représente, de sa culture, de ses ressortissants.

Si la compassion ou la peur peuvent encore se comprendre que l’on soit altruiste dans un cas ou matérialiste de l’autre, de craindre de perdre ce qui nous est cher, la haine ne se défend pas. La haine ou le rejet sont plus dangereux que la pitié. Elles ouvrent la porte à des dérives ridicules, si elles ne sont pas injustes ou violentes.

Vouloir débaptiser un établissement scolaire portant le nom de Soljenitsyne frise à l’imbécillité de la part des auteurs de ce projet. Retirer de la liste des concerts, les œuvres de Tchaïkovski est tout aussi condamnable. Interdire à des athlètes handicapés de participer aux JO ou à des footballeurs russes de venir à la Coupe du Monde procède du même principe. Pourquoi ne brûlerait-on pas les livres de Gogol, de Dostoïevski, de Tchekhov, de Babel ou de Tolstoï pour ne citer que ces écrivains-là ?

Quand on parle de propagande, on l’impute toujours à l’ennemi. Hélas, le monde n’est pas binaire, n’en déplaise à ceux qui ne voient le bien que d’un côté, le mal de l’autre. Notre formatage occidental par le cinéma hollywoodien nous a enfermé dans cette vision simpliste. Je me souviens avec une culpabilité rétrospective qu’à l’école, lorsque qu’on nous projetait un western comme la Chevauchée fantastique de John Ford, nous exprimions bruyamment notre joie à la mort de chaque guerrier indien. L’indien représentait à nos yeux l’incarnation du mal, et le courageux cow-boy ou les tuniques bleues, le bien.

Avec l’âge et le recul, je suis arrivé à nuancer mon jugement. Mais beaucoup sont encore pris dans ce schéma mental. L’actualité des deux dernières années me donne raison. La stigmatisation d’une partie de la population lors de la crise sanitaire a divisé le pays, l’Europe et le Monde. Le rebelle est devenu le bouc émissaire. Et les médias ont amplement développé la propagande d’État afin de creuser la fracture. L’intervention russe en Ukraine emprunte la même voie. Cela fait plus de huit ans que j’observe la situation. Une partie de ma famille se trouve dans l’ex-URSS. Je ne peux donc être indifférent aux soubresauts au sein des anciennes ex-Républiques qui n’avaient de Républiques que le nom. L’Empire russe d’avant 1917 s’étendait de la Moldavie aux confins de la Sibérie, des Pays baltes à la Transcaucasie. L’Alaska avait été vendue aux États-Unis en 1867. L’URSS n’a fait que se reconstruire sur les bases de cet empire.

1991 a sonné le glas de l’URSS, et Mikhaïl Gorbatchev en a été le syndic de faillite. Apprécié par l’Occident, il a été fortement critiqué par de nombreux Soviétiques. Boris Eltsine favorisa le dépeçage de l’ex-URSS ; l’Occident craignait surtout que les arsenaux nucléaires des ex-Républiques ne fassent l’objet de trafic et que des bombes sales finissent entre les mains de terroristes. L’Occident et les États-Unis pensaient avoir vaincu la menaçante URSS, la Russie était, à leur yeux, reléguée au rang d’un pays sous-développé qu’on pouvait mépriser.

Sans faire de parallèle, rappelons-nous qu’en 1919 le traité de Versailles et le mépris des vainqueurs envers l’Allemagne avait permis l’accession de Hitler au pouvoir. Je vous vois venir. Certains vont considérer Vladimir Poutine comme tel. Je ne peux pas vous empêcher d’y penser. Mais ce genre de raccourci est facile et bien souvent erroné.

Qu’en 1990, Gorbatchev ait cru par la bouche de James Baker, qu’après la dissolution du Pacte de Varsovie, les Etats-Unis essaieraient de ne pas étendre l’OTAN vers l’Est était-ce un leurre ou une promesse ? Il reste une certaine ambiguïté sur ce sujet.

Les Révolutions colorées provoquées par l’Occident ont déstabilisé la Tunisie et la Libye, permettant l’accession au pouvoir de partis islamistes beaucoup moins fréquentables que les anciens dirigeants. Il n’y avait que BHL pour s’en réjouir. Mais notre philosophe d’opérette n’en est pas à sa première rodomontade.

Ces mêmes Révolutions ont échoué en Égypte et en Syrie. En 2014, une Révolution Orange a fait basculé l’Ukraine par ce qu’on peut considérer comme un coup d’État dans le giron occidental.

L’Ukraine comme l’Arménie ne doit pas croire aux promesses de l’Occident. L’Ukraine a néanmoins fourni à l’Azerbaïdjan des bombes au phosphore ayant semé la mort et la destruction pendant les 44 jours de guerre contre les Arméniens de l’Artsagh en 2020. La Turquie, membre de l’OTAN a encadré et renforcé l’armée azerbaïdjanaise dans ce conflit. Des djihadistes syriens ont été recruté pour l’occasion.

Le silence de l’Occident était coupable. Le délire de l’Occident est aujourd’hui condamnable. Et la mise au ban de la Russie son erreur la plus grave. L’Occident n’a pour moi plus d’âme. L’Occident est devenu une caricature de démocratie. Les élections n’ont plus aucun sens, puisqu’on peut fabriquer un candidat sur mesure. Et l’UE a donné le pouvoir à des technocrates corrompus. L’Occident est devenu l’Empire du Mal.