À la sauce Raïta

Tout est dans tout et inversement

Si je dis concombre, beaucoup penseront salade. Et des souvenirs de pique-nique pour les uns se disputeront la saveur des sandwiches à l’anglaise des autres. Plante potagère herbacée rampante, le concombre (de la famille des cucurbitacées) est le cousin des melons et des courges ou autres calebasses africaines. Consommé comme légume, le fruit a aussi une déclinaison en condiment sous la forme du cornichon. Poussant naturellement sur les contreforts de l’Himalaya, il est cultivé depuis plus de 3000 ans en Inde. Dans la cuisine indienne, vous le connaissez en Raïta ou sauce qui permet d’adoucir les plats épicés.

D’ailleurs, on retrouve ce concombre à toutes les sauces. Il excite bien des imaginations.Certains d’entre nous s’en rappellent la version masquée.

Un concombre peut-il vraiment être masqué ?

En 1965, le Concombre masqué est né sous le crayon de Mandryka [i]. Les lecteurs de Pif dont je faisais partie se sont laissé séduire par les aventures de ce personnage.

Cucurbitacé bavard et philosophe, il évoluait dans un univers relativement absurde, d’autant qu’il avait une araignée au plafond. Vivant dans un cactus-blockhaus, squatté par des éléphants joueurs de cartes, il fréquentait en toute logique Chourave, son ami fidèle. Et le grand Patatoseur était son pire ennemi.

Icône du non-sens, ce Concombre-là avait de quoi nous divertir, dans un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Nous vivions alors dans l’insouciance et la peur, entre la croyance du tout possible et la pesanteur de la 5ème République, entre mai 68 et la fin des 30 Glorieuses, entre menace nucléaire et décolonisation.

Confronté à la désillusion et l’utopie, la colère et l’euphorie, notre Monde était bipolaire avec d’un côté de Bien de l’autre le Mal, les États-Unis et l’URSS, De Gaulle ou la chienlit, les supermarchés et la mort du petit commerce, la guerre du Viêt-Nam et la non-violence de Gandhi, le paradis des Hippies et Woodstock, l’apartheid et Nelson Mandela, les Chiffonniers d’Emmaüs et l’Abbé Pierre.

Ce Monde n’est-il pas toujours absurde ? Et si nous lui redonnions du sens.


[i] Nikita Mandryka, dit Mandryka (pseudonyme Kalkus à ses débuts), né le 20 octobre 1940 à Bizerte, est un auteur de bande dessinée français d’ascendance russe.